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Spectacle Palucheur
 

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Lorsque vous lirez ces lignes, On marronne? (Si ça te dit, viens) viendra juste de se clôturer. Nous écrivons cet article alors que nous attendons la première de ce spectacle. Malgré tout, risquons-nous à évoquer Palucheur, joué du 24 novembre au 9 décembre prochain.

Mis en scène par Robert Chesley en 1986 avec pour titre Jerker, Éric Plamondon revisite ce spectacle dans la langue francophone.

Lourd dans son sujet, nécessaire de par l’histoire qu’il raconte, Palucheur vient questionner notre rapport à la sexualité, à la communauté queer, et à la question des soins.

L’œuvre originale de Chesley est en corrélation directe avec l’apparition dans les années 1980 de l’épidémie de VIH. L’absence de politiques de santé publique, de prise en charge et d’information adéquates afin de s’en protéger vont particulièrement impacter les communautés queers, dont l’accès à des soins efficaces et à une situation économique stable est plus difficile. 

Michael Kearns, un des premiers artistes états-uniens ayant ouvertement fait son «
 coming-out » en tant que personne gaie, a dirigé Jerker en compagnie de Robert Chesley. Kearns disait alors à propos du monde du travail que l’on y « travaillait jusqu'à la fin. » Cette fin à laquelle il fait allusion est la mort suite à des complications liées au VIH.¹ 

C’est dans ce contexte que se joue Jerker / Palucheur. Dans ce spectacle où alternent scènes érotiques et scènes émotionnelles, tout se raconte et se joue du début à la fin à travers des conversations téléphoniques. 

Kearn explique que le titre d’un spectacle est «
 peut-être le mot le plus important que compose le dramaturge ». Dans sa version littérale, la connotation sexuelle est évidente, palucheur faisant allusion à une personne qui se masturbe. Mais Kearns propose de regarder plus loin : Palucheur fait aussi allusion à un « tear-jerker », soit un « tire-larmes ». Autrement dit, ce spectacle est autant pornographique qu’il est romantique, autant érotique qu’il est tragique, où le lien des deux personnages, aussi fort soit-il, ne tient qu’à un fil électronique. Ce fil témoigne de la fragilité de cette relation queer autant que sa puissance face au danger mortel qui guette les deux personnages. Enfin, il rappelle une chose à nous, le public : ces vingt conversations que nous suivons, aussi provocantes et crues soient-elles, racontent avant tout une histoire d’amour. 

Jerker sera d’abord plus connu par ses controverses dans le débat public que par ce qu’il raconte. La Federal Communications Commission (FCC), organisme qui régule les contenus radiophoniques aux États-Unis, sera amenée à réviser sa politique de diffusion radiophonique après une plainte d’un fondamentaliste. Ce dernier et sa famille auraient «
 par accident » écouté un extrait diffusé par la radio KPFK-FM. Ce spectacle, « violent pour lui et sa famille », lui aurait « retiré le contrôle sur sa capacité à protéger ses enfants contre l'apprentissage de certaines pratiques sexuelles à certains moments de leur vie. »²

La FCC qualifiera ce choix de diffusion comme indécent et possiblement obscène, et sanctionnera KPFK-FM.³

Cela n’empêchera pas Jerker d’être considéré comme un chef-d’œuvre, et son auteur comme un artiste remarquable de son époque.

Mark Thompson, rédacteur en chef des affaires culturelles et rédacteur principal du magazine d'information gaie national The Advocate de 1975 à 1994, évoque Robert Chesley comme «
 l'un des dramaturges gais les plus importants de son époque » et voit dans Jerker « l'une des pièces de théâtre gaies les plus importantes jamais créées ».⁴

L’influence de ce spectacle va bien au-delà de la sphère théâtrale. Dean Howell, qui joue un des deux personnages de Jerker en 2006 au Highway Performance Space and Gallery (Santa Monica, Californie) voit une radicalité dans cette œuvre :

«
 Lorsque personne d'autre n'en parlait, c'est par le théâtre que les artistes ont commencé à s'attaquer à l'épidémie au début des années 80, et cette pièce a été l'une des premières. Il ne s'agissait pas seulement d'une pièce, mais d'une partie d'un collectif qui trouvait sa voix. ».⁵

Palucheur nous rappelle que l’art dans sa pratique doit être précurseur et engagé.


Florent de Vellis

¹ BRESLAUER Jan (6 août 2006). "Drawing more out of 'Jerker'"The Los Angeles Times.
² WITT Lynn, SHERRY Thomas and ERIC Marcus (eds.) (1995). Out in All Directions: The Almanac of Gay and Lesbian America. New York, Warner Books. ISBN 0-446-67237-8.
³ JONES Alex S (6 juin 1987). "F.C.C. Letter Offers Clarification on New Indecency Rules for Radio"The New York Times.

BRESLAUER Jan (6 août 2006). "Drawing more out of 'Jerker'"The Los Angeles Times.
Idem

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