Quand on veut dresser un portrait des Métis et parler de leur histoire, et qu’on commence à fouiller parmi les écrits, on rencontre des mots comme « controverse », « marginalisation », « frustration », « complexité », « injustice », « exil »… et on se rend vite compte que pour comprendre ce que signifie être Métis de la rivière Rouge, il faut remonter à la source. C'est ce que nous avons tenté de faire, avec la collaboration d'Arianne Mulaire de l'Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba.
Identité distincte
Dans la plupart des textes portant sur les Métis, on s’entend pour dire que c’est leur culture propre qui les définit comme membre de la nation Métis, c’est-à-dire leur identité et leur mode de vie distinctif.
Selon l’Encyclopédie canadienne,
« L’identité métisse en tant que telle se détermine par trois critères :
- se considérer comme Métis;
- être membre d’une collectivité métisse contemporaine;
- entretenir des liens avec une collectivité métisse historique. »
Pour confirmer le dernier point, on a déterminé 10 critères à l’issue de l’affaire Powley, une affaire juridique qui s’est étirée de 1993 à 1998 et qui traitait des droits de chasse des peuples Métis du Canada. Parmi ces critères :
-
le groupe d’ascendance Autochtone forme une identité collective sociale « distincte »;
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le groupe vit ensemble dans la même zone géographique;
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le groupe partage un même mode de vie.
En mars 2021, la sénatrice Yvonne Boyer, dont les ancêtres sont issus de la Nation métisse de la Saskatchewan et de la rivière Rouge, déclarait :
« Pendant la traite des fourrures, des hommes européens, principalement d’origine écossaise, française et anglaise, voyageaient et travaillaient sur les routes de commerce historiques. Ces commerçants ont tissé des relations avec des femmes cries, assiniboines, saulteuses, anishinaabes et dénées, formant ainsi des familles dont l’économie et les relations étaient définies par le commerce de la fourrure.
En peu de temps, les Métis ont créé une société distincte avec un caractère culturel, économique et social qui lui était propre — semblable, mais différent de celui des Premières Nations. Plus important encore, la société a forgé une philosophie politique et des structures de gouvernance fondées sur le bien-être collectif et le sentiment d’indépendance par rapport aux autres peuples. En tant que nouvelle nation et société distincte, les Métis ont occupé un créneau économique particulier associé au commerce de la fourrure. Ils ont mis en place des réseaux complexes de familles élargies, réparties dans tout le centre de l’Amérique du Nord et qui servaient de sources d’alliances sociales, politiques et économiques. Ils avaient une structure de gouvernance bien précise, encadrée par une orientation politique destinée à assurer la santé et le bien-être de la société. »
Source : Déclarations de sénateurs, Sénat du Canada
Pour comprendre la force de cette philosophie politique citée par l’honorable Yvonne Boyer, il faut plonger dans la thèse doctorale de Xavier Bériault, où il soutient que « Lorsque les dirigeants de la colonie s’appuient de manière autoritaire sur les droits et privilèges de la charte royale pour prendre des décisions imprudentes qui ne reçoivent pas le consentement des communautés métisses, leurs leaders mobilisent les expériences et les pratiques de la fondation des conseils de la chasse pour former spontanément des formes d’organisation de résistance dotées de légitimité populaire et chargées de renégocier un compromis politique avec les transgresseurs afin de rétablir l’équilibre dans leurs rapports diplomatiques. »
(Prochain article : Les conseils de la chasse)